Lectures lacaniennes de Heidegger
A propos du livre de Hubert Ricard
De Platon à Wittgenstein, lectures lacaniennes
Paris, le 25/11/2017
Il est habituel de parler sur, de parler sur le dos des grands philosophes, on expose à grands traits leur doctrine pour pointer assez rapidement combien ils seraient tout simplement dépassés par les découvertes de la psychanalyse et la nouvelle façon de penser lacanienne. Cette façon de parler sur a toujours été extrêmement commune. Hannah Arendt fait remarquer que c’est ce qui se passait toujours avant Heidegger : on parlait par exemple sur Platon, on exposait sa doctrine des idées. C’est Heidegger, qui pour la première fois, a poursuivi et soutenu un dialogue pas à pas avec un grand texte durant un semestre entier, jusqu’à ce que la problématique en question devienne hautement présente. Lacan en a pris de la graine, par exemple dans le séminaire du Transfert et son dialogue avec le Banquet de Platon. À longueur d’années et de décennies, Hubert Ricard a poursuivi inlassablement un travail de lecture et de dialogue avec les grands philosophes. De Platon à Wittgenstein nous en livre un certain nombre de résultats, en abrégé.
Je me limiterai au texte Lacan lecteur de Heidegger, Vérité et Dasein. Vérité et Dasein voilà deux concepts qui se laissent facilement renvoyer aux oubliettes sous le prétexte que de toute façon, la vérité n’est que mi-dire dixit Lacan et le Dasein doit être remplacé par l’objet a de Lacan. Avec de telles formules, nous serions vaccinés contre la maladie qui consisterait à penser un peu plus loin que les formules lacaniennes. Le livre de Ricard nous invite au contraire à lire et à dialoguer longuement avec Platon, Descartes, Kant, Fichte, Hegel, Marx, Heidegger, Foucault, Wittgenstein. Si dans le livre de Ricard nous nous limitons au chapitre consacré à Heidegger, nous devons aussitôt tenir compte des démarches suivantes : Heidegger lecteur de Platon, Lacan lecteur de Platon et Heidegger, Ricard lecteur de Platon, Heidegger et Lacan et le lecteur se devra d’être lecteur de Platon, Heidegger, Lacan et Ricard. Voilà la série et le sérieux des lectures lacaniennes auxquelles nous convie l’immense livre de Ricard, on mesure le travail qui attend l’acheteur du livre. Il a une place de choix dans la collection Lire en psychanalyse, que je dirige avec Guy Mertens et sur la table de travail du psychanalyste.
Je voudrais vous faire part de la fécondité de la lecture de Lacan lecteur de Heidegger.
Les références de Lacan à Heidegger sont les plus nombreuses dans L’objet de la psychanalyse (séminaire XIII). Cet objet, c’est l’objet a. Le séminaire commence par La science et la vérité (le dernier des Écrits publiés en 1966). Du côté de Heidegger, il faut retenir De l’essence de la vérité, publié en 1943 et La doctrine platonicienne de la vérité, publié en 1942. La conception de la vérité est déjà en décalage par rapport à ce qui était dit dans Sein und Zeit, nous sommes dans une pensée en mouvement dont il faudra tenir compte.
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