L’Angoisse, de I.S.A. au séminaire X

L’Angoisse, de I.S.A. au séminaire X
II. L’angoisse – Lacan Séminaire X
Introduction

Ce séminaire est le dernier que Lacan donnera à Sainte Anne. A l’automne 1963 il sera mis au ban de l’I.P.A.

En 1962, lors du séminaire, il espérait encore sa réintégration dans l’I.P.A.

C’est un séminaire pivot où il interroge le Freud d’ISA et tente de dépasser les impasses freudiennes. L’I.P.A. posait à Lacan la condition de renoncer à la didactique. En réponse, nous assistons ici à une reprise par le Réel du questionnement freudien: qu’est ce que le Réel dans l’expérience analytique, comment intervient-il dans la pratique, comment peut-on enseigner la psychanalyse. C’est ce qui amène Lacan à la construction de cet objet très singulier qu’il a dénommé: a.

a est abordé par l’introduction du signifiant dans le Réel ce qui en parallèle mène Lacan à une réflexion critique de la Raison et à une réflexion sur ce que doit être un enseignement.

Le schéma optique du stade du miroir amène Lacan à préciser le statut de a, son fonctionnement, tout particulièrement chez le névrosé et le pervers.

Schéma simplifié

Il met l’accent sur les impasses de la vie amoureuse et ébauche une première théorie de la sexuation.

Enfin, Lacan termine son séminaire par l’étude du fonctionnement de a dans ses cinq formes tout particulièrement chez l’obsessionnel.

Statut de l’objet a

L’apologue de la mante religieuse où je ne vois pas ma propre image dans le miroir énigmatique de l’oeil de la mante illustre le rapport essentiel de l’angoisse au Désir de l’Autre.

Il n’y a pour moi d’accès à mon désir que dans la dépendance à l’Autre comme lieu du signifiant.

Le sujet s’inscrit au lieu de l’Autre à partir du trait unaire – du coup, l’Autre devient manquant, il y a un reste, un irrationnel preuve de l’altérité de l’Autre: a (1er schéma)

Le Sujet et a sont du côté de A. Ce qui est de mon côté et me constitue comme inconscient est A barré, l’Autre en tant que je ne l’atteins pas.

Freud introduit l’inconscient comme l’Autre Scène, pour Lacan, il y a le Monde où est le spectateur et la Scène où les choses du monde viennent à se dire selon les lois du signifiant.

La reprise de Hamlet permet à Lacan de distinguer deux types d’objets.

Hamlet fait représenter sur la scène son image spéculaire accomplissant le crime qu’il s’agira de venger. L’identification à l’image spéculaire est insuffisante à animer son désir et, dans un deuxième temps, il s’identifie à Ophélie, objet perdu qui lui donne la fureur qui lui permet de combattre pour son ennemi, le roi, contre son image spéculaire: Laërte.

Dans le deuil, il y a reconnaissance rétroactive de l’objet du désir qui était là.

Lacan distingue l’objet du désir et l’objet spéculaire.

Si le moi est, comme l’affirme Freud, le lieu de l’angoisse, le schéma du miroir va nous aider à distinguer ces deux objets. (cf.schéma)

Scène-Monde

Tout l’investissement libidinal ne passe pas par l’image spéculaire, il y a un reste, le phallus, en tant qu’il vient dans tout ce qui est repérage imaginaire sous la forme d’un manque  -(phi), la castration imaginaire induite par la métaphore paternelle.

D’un côté, au niveau du corps propre, il y a la réserve libidinale insaisissable imaginairement, le narcissisme primaire, et du côté de l’image, un manque, quelque chose qui ne se projette pas car reste investi au niveau du corps propre, du narcissisme primaire, c’est a, résidu, objet dont le statut échappe aux lois de l’esthétique transcendantale.

a, le support du désir dans le fantasme, n’est pas visible dans ce qui constitue pour l’homme l’image de son désir. En deçà de l’image, à gauche, il y a a , invisible mais qui est la cause du désir, c’est de là que l’image, i’(a) prend son prestige.

Plus le sujet tente de s’approcher de ce qu’il croit l’objet de son désir, l’image spéculaire, plus il est leurré.

A cette place, i’(a), se profile une image de lui-même authentifiée par l’Autre, qui se caractérise par un manque, ce qui y est appelé ne saurait y apparaître, cette image oriente le désir, le capte.

Le désir voile une absence, mais cette absence est aussi la possibilité d’une apparition.

L’angoisse surgit quand quelque chose apparait à cette place (-phi). C’est alors que surgit l«Unheimlich»; l’angoisse n’est pas la perte comme chez Freud, mais le manque du manque.

Lacan reprend la liste freudienne: ce n’est pas la nostalgie du sein qui engendre l’angoisse mais son imminence, ce n’est pas l’absence maternelle qui angoisse mais c’est la possibilité de l’absence qui est la sécurité de la présence, l’angoissant est la mère toujours sur le dos de l’enfant, à lui «torcher le cul». Au niveau phallique, le cas de Hans nous montre que c’est l’interdiction qui est tentation et que ce qui angoisse n’est pas la perte de l’objet, mais qu’au contraire, ceux-ci ne manquent pas, et, au niveau de l’amour du Surmoi, ce qui est craint par dessus tout n’est pas l’échec, mais la réussite.

Dans «L’homme au sable» de Hoffman, Freud repère l’impact de la menace de castration. Pour Lacan, la castration n’est pas indépassable, elle est déjà faite dans l’approche de l’image du corps au niveau de (-phi). Dans le miroir, la fille voit son manque, le garçon son insuffisance. Le névrosé est déjà marqué par la castration, ce devant quoi il recule, c’est de faire de ce qui s’inscrit de son manque comme castration, le complément du manque de l’Autre, cet Autre qui se dérobe dans le renvoi infini des significations. Qu’est ce qui peut assurer un rapport du sujet à cet univers de signification, sinon que quelque part il y ait jouissance. Cela, il ne peut l’assurer qu’au moyen d’un signifiant et ce signifiant manque. A cette place manquante, le sujet est amené à faire l’appoint par un signe, celui de sa propre castration. Vouer sa castration à être la garantie de l’Autre, c’est ce devant quoi le névrosé recule.

Chez le pervers, a est là où le sujet ne peut le voir, le sujet pervers s’offre loyalement à la jouissance de l’Autre. Mais le fantasme du névrosé est tout entier situé au lieu de l’Autre, ce que Lacan appelle un a postiche. La Belle Bouchère aime le caviar, mais n’en veut pas. Elle veut que son mari aie envie du petit rien qu’elle tient en réserve, a fonctionnant dans le fantasme qui sert de défense contre l’angoisse est l’appât avec lequel le névrosé tient l’Autre.

Par le fait que le névrosé transporte dans l’Autre la fonction du a, l’objet qu’il recherche, c’est la Demande, une demande qu’il veut qu’on lui demande, mais il ne veut surtout pas en payer le prix. S’il ne veut pas donner son angoisse, dans l’analyse il donne un équivalent, son symptôme. Il veut que vous demandiez quelque chose. Comme vous ne le faites pas, il module ses demandes et c’est dans la mesure où sont épuisées toutes les formes de la demande que nous voyons apparaître la castration.

L’objet de la connaissance est construit comme l’objet spéculaire. La catégorie de l’étrange nous jette dans une autre dimension. Dans les peurs nocturnes des petits enfants, Lacan repère ce reste, résidu non imaginarisé qui vient se manifester d’une façon qui de n’être pas spécularisable, devient irrepérable. L’angoisse du cauchemar est éprouvée comme celle de la jouissance de l’Autre, être questionneur qui se manifeste dans la dimension de l’énigme.

Si le signifiant est une trace effacée, dans l’hystérie l’angoisse n’apparait pas car le lien à la trace a disparu.

L’obsessionnel lui, veut retrouver la trace sous le signifiant.

L’animal, dit Lacan, peut faire des fausses traces, mais pas des traces faussement fausses ce qui est un comportement signifiant. Là, il y a un sujet cause d’une trace qui se présente comme vide.Le signifiant révèle le sujet mais en effaçant sa trace, en le leurrant dans le chatoiement des significations et le repérage du sujet repose sur une reconquête de ce non su originel.

L’angoisse est liée à ce que toute demande, en tant que prise dans le signifiant, a toujours quelque chose de leurrant par rapport à la place du désir. C’est aussi ce qui explique le caractère angoissant de la réponse qui vient combler la demande. Le fantasme du névrosé se présente de façon privilégiée comme demande, c’est le leurre de la structure fantasmatique du névrosé. Nous reconnaissons la structure de la pulsion dans les premiers objets: le sein (demande à la mère), le scybale (demande de la mère). La coupure donne sa valeur à l’objet anal avec tout ce qu’il peut représenter de don et d’identité. Cependant, il ne s’agit que d’un déchet qui vient signaler la seule chose qui est importante: la place d’un vide. Là viendront se situer d’autres objets.

Cette place du vide est encadrée. Le rêve de l’homme au loup fait apparaitre le rapport du fantasme au Réel. Dans la fenêtre qui soudain s’ouvre, apparait l’Unheimlich, ce qui dans le monde ne peut se dire, ce sont les propres yeux du rêveur qui le regarde. L’angoisse n’est pas sans objet mais ce n’est pas l’objet imaginarisable du monde objectal dont l’appréhension est structurée par le trait unaire. Les signifiants engendrent le monde du sujet qui parle et dont la caractéristique est qu’il est possible d’y tromper. L’angoisse est cette coupure, le sillon dans le Réel sans laquelle la présence de signifiant est impensable. Sa véritable substance est ce qui ne trompe pas. C’est pour cela que chez l’obsessionnel, l’angoisse n’est pas le doute mais la cause du doute. Le doute est fait pour combattre l’angoisse pas des leurres, pour éviter ce qui, dans l’angoisse, est affreuse certitude: a.

La sortie du doute c’est l’action, le doute est signifiant. L’acte, sortie du doute, touche au réel c’est ce qui permet que l’acte analytique opère sur a. Agir, dit Lacan, c’est arracher à l’angoisse sa certitude. Dans l’Ecclésiaste, Dieu me demande de jouir, en plus il dégage l’objet par la circoncision. Celle-ci n’a rien d’une castration mais elle réduit de façon signifiante l’ambiguité sexuelle; par la coupure, la circoncision dégage l’objet après l’avoir cerné.

a, Lacan le désigne par une lettre ce qui nous permet de reconnaitre l’objet sous ses différentes incidences. Le désigner par le terme «objet» est en faire un usage métaphorique emprunté à la relation sujet-objet alors que nous parlons de quelque chose qui est externe à l’objectivité.

De l’entrée du signifiant dans le Réel naît le sujet. Ce qui permet au signifiant de s’incarner, c’est notre corps. Ce corps n’est pas constituable dans le champs de l’étendue cartésienne ni donné dans le miroir. Quand, dans le miroir surgit la dimension de notre regard, surtout si ce regard ne nous regarde plus, ce double étrange m’échappe et révèle la fonction de a.

L’angoisse n’est pas sans objet, le «pas sans» étant une liaison conditionnelle qui lie l’être à l’avoir dans une sorte d’alternance. Il n’est pas sans l’avoir, mais là où il est, ça ne se voit pas.

La castration du complexe n’est donc pas une castration, si la menace venait à s’accomplir, l’objet entrerait dans le champs de l’échange.

Il y a deux sortes d’objets, ceux qui peuvent se partager et sont objets de concurrence, et ceux qui ne le peuvent pas. Quand ils apparaissent, l’angoisse nous signale leur statut. Le plus illustre est le Phallus mais il y en a cinq correspondant aux cinq formes de pertes dans «Inhibition, Symptôme et Angoisse» de Freud. Pour Lacan, la limite de Freud tient à ce qu’il n’avait pas cerné la fonction de l’objet partiel dans le transfert, notamment dans le cas Dora et de la Jeune Homosexuelle.

La notion d’intentionnalité est un mirage car l’objet, cause du désir, est derrière le désir et non devant.

Pour l’illustrer, Lacan part du fétiche: le fétiche cause le désir, qui lui, va s’accrocher où il peut.

Le désir sadique, en imposant l’intolérable au sujet, fait apparaitre une division, une béance entre son existence de sujet et ce qu’il subit dans son corps. Ce qui est cherché est l’angoisse de l’autre mais ce que le sadique ne sait pas c’est qu’il cherche à se faire apparaitre lui-même comme pur objet fétiche noir.

Le masochiste recherche son identification à l’objet commun mais il lui est impossible de se saisir pour ce qu’il est, en tant que a.

Comme pour le sadique, cette identification n’apparait que sur une scène. Se reconnaitre comme objet du désir est toujours masochiste. Le sens du mythe oedipien est que c’est en tant que la Loi interdit la Mère qu’elle impose de la désirer. Ce que le masochiste veut faire apparaitre sur la scène, c’est que le désir de l’Autre fait la Loi, il apparait ainsi dans la fonction du déjet.

Quand nous ne sommes pas sur la scène et que nous cherchons à lire dans l’Autre de quoi il retourne, nous ne trouvons là que le x, le manque. C’est pour autant que cette place vide est visée comme telle que s’instaure le transfert. Le transfert n’est pas seulement ce qui se répète mais c’est un amour présent dans le réel. C’est en fonction de cet amour que s’institue la question centrale du transfert; ce qui manque au sujet, car c’est avec ce manque qu’il aime. Cette place vide est cernée par un bord, limite du monde et de la scène.

La Jeune Homosexuelle saute hors de la scène au moment où s’accomplit la conjonction du Désir et de la Loi. Déçue par son père, elle s’est employée à faire de sa castration féminine, le support qui manque au champs de l’Autre, la garantie que la Loi est bien le désir du Père, qu’il y a une gloire du père, un Phallus absolu. Le regard du père produit le suprême embarras puis, suite à la scène de son amie qui la rejette, survient l’émotion. Le sujet est identifié à a et, confronté à la Loi du Père, du même coup rejeté hors la scène; le passage à l’acte peut se produire. Il y avait promotion du Phallus à la place du a. Le paradoxe est que Freud la laisse tomber.

Le passage à l’acte est du coté du sujet en tant que celui-ci apparait effacé au maximum par la barre. C’est le moment de l’émotion allié à l’embarras.
Inhibition-Symptôme-Angoisse_(Lacan)
L’acting out, c’est la fugue, le départ vagabond dans le monde où le Réel se presse. L’acting out est quelque chose qui se montre dans la conduite du sujet et qui se montre comme autre que ça n’est. La Jeune Homosexuelle aurait  voulu un enfant du père comme Phallus substitut du a manquant. Déçue, elle se fait amant, elle se pose dans ce qu’elle n’a pas, le Phallus, et pour bien montrer qu’elle l’a, elle le donne, se faisant le chevalier servant de la dame. C’est un désir dont l’essence est de se montrer comme autre et ainsi de se désigner. L’essentiel de ce qui est montré, c’est ce reste, sa chute, la «livre de chair». L’acting out est symptôme qui se montre. Le symptôme de sa nature est jouissance, il se suffit. A la différence de l’acting out, il n’appelle pas l’interprétation, pour cela il lui faut le transfert. La Jeune Homosexuelle mentait en rêve à Freud. Freud refuse de voir dans la vérité la structure de fiction, il ne s’intéresse pas au reste. Sa pensée achoppe sur la féminité.

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