Le graphe : un jardin aux sentiers qui bifurquent – Deuxième partie

Le graphe : un jardin aux sentiers qui bifurquent – Deuxième partie

Le graphe : un jardin aux sentiers qui bifurquent

Deuxième partie

 

En un premier temps, l’attention flotte également entre le fil de l’intention et le fil signifiant.

Ce flottement est précisé en prenant en considération les deux zones où ces fils viennent à se rapprocher et semblent se croiser.

L’équivoque du message et l’équivoque de l’Autre.

Si l’on tient bien compte de la disjonction entre les deux pistes, on comprendra que le message n’est jamais tout à fait adéquat à l’intention. À l’intérieur du message lui-même, il faudra distinguer d’une part le message qui dit clairement le besoin supposé déterminant pour l’intention et d’autre part le message comme demande qui implique avant tout le fil signifiant. Il faut prendre la mesure de « la marge où la demande se déchire du besoin »[1]. Il faut distinguer la double valeur tant du message que du grand Autre et la double valeur tant du trajet qui va du grand Autre au message que du trajet qui va du message au grand Autre ; le message comme traduction du besoin – traduttore tradittore – est tout à la fois fidèle au besoin et trahissant le besoin.

Le message n’est pas seulement déterminé par le besoin, mais par quelque chose qui part du grand Autre. Ce grand Autre n’est pas d’abord la personne soignante, le père ou la mère, ni non plus un ensemble de mots à disposition pour former des phrases ; mais le lieu du signifiant avec son bouillonnement de transformations comme le travail du rêve le montre avec ses métaphores, métonymies, présentations et élaborations. L’Autre n’est pas d’abord une personne, mais la marmite où bouillonne le signifiant. La demande est sans doute radicalement conditionnée par le besoin ; l’analyste prête certes attention aux besoins de l’analysant et n’a aucune peine à reconnaître les conditions particulières, difficiles ou impossibles de la vie de l’analysant, mais l’analyste doit éviter de se laisser prendre dans les filets de ces conditions ; il s’agit, dans l’attention flottante, non pas d’oublier ces besoins, mais de laisser également flotter notre attention vers une autre part, vers ce qui, dans la demande, n’est pas conditionné par le besoin, mais qui se joue radicalement à partir de l’Autre, à partir du bouillonnement du signifiant ou du travail de l’inconscient. C’est parce que ce fil n’est plus conditionné par le besoin qui semblait tout conditionner (notamment le fil intentionnel), que l’appel de la demande peut être dit inconditionnel à l’endroit de l’Autre : ce qui est demandé à l’analyste c’est de prendre en charge bien plus que ce qui provient des multiples besoins et conditions difficiles dans la vie de l’analysant, il doit avant tout prendre en charge l’inconditionnel de ce qui se joue dans le grand Autre.

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[1] Écrits, p. 814.

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